réalisée par Philippe Pratx pour le site internet indes réunionaises
"Les apports spirituels du yoga sont immenses"
Professeur de yoga expérimentée et reconnue, Nathalie Anthony poursuit depuis de nombreuses années une pratique authentique du yoga traditionnel. Fidèle aux sources indiennes de cette "grande voie" - comme elle définit elle-même le yoga - elle en souligne les aspects spirituels et l’associe à des valeurs culturelles qu’elle a pu apprécier lors de ses nombreux séjours en Inde. Entre ses cours et ses nombreuses activités, elle a eu la gentillesse de répondre à nos questions.
1) Nathalie Anthony, pouvez-vous pour commencer vous présenter à nos visiteurs ?
Volontiers. Je suis enseignante de Yoga depuis 26 ans. J’ai d’abord enseigné en région parisienne où j’ai créé le Centre Ganesha. A Paris, j’ai également participé quelques années à la direction d’une fédération de Yoga. Mais, ayant rencontré mon maître en 1989 en Inde, et ayant aussi à l’époque de jeunes enfants, j’ai souhaité m’installer à la campagne dans le sud de la France à la fois pour expérimenter dans une certaine solitude les pratiques que j’étais en train d’apprendre, et aussi permettre à mes enfants d’intégrer la connaissance de la nature à leur être. J’enseigne maintenant à la fois à côté de Paris, vers Montpellier et dans les Cévennes.
2) Quels ont été vos premiers contacts avec le yoga ? Correspondaient-ils à des aspirations personnelles particulières ?
Mon premier contact avec le Yoga a été fortuit. Je suis allée à un cours dont une amie m’avait dit simplement qu’il lui faisait énormément de bien. Je ne suis pas sûre que, si elle avait prononcé le mot « yoga », cela m’aurait attirée à l’époque. J’étais alors plutôt sportive. J’ai été émerveillée de découvrir que le corps n’était pas seulement un instrument, plus ou moins performant, mais un trésor disponible lorsque l’on savait prendre contact avec l’intériorité. J’ai également très vite senti que cette démarche allait me permettre d’approfondir ma recherche de vérité.
3) Comment vous êtes vous formée au yoga ? Qui a été (ont été) votre (vos) maître(s) ?
Au moment même où je décidais que je souhaitais maintenant partager ce que j’avais reçu avec d’autres, mon professeur, Catherine ASHMORE, m’a proposé de me former. Pendant presque 20 ans, j’ai travaillé très intensément avec elle plusieurs fois par semaine, ainsi qu’avec son propre professeur, Jacques THIEBAULT. J’ai suivi ensuite une formation à l’enseignement qu’ils organisaient ensemble.
En 1989, je suis allée en Inde faire un voyage d’étude sur le Yoga et l’Ayurveda, et j’ai rencontré à l’institut Kaivalyadhama de Lonavla mon maître, Sri O.P. TIWARI. Je me forme depuis traditionnellement auprès de lui, c’est-à-dire dans une relation personnelle de maître à disciple.
4) Quelle(s) forme(s) de yoga pratiquez-vous et enseignez-vous ? Quelles en sont les grandes caractéristiques ?
J’enseigne le Yoga traditionnel tel qu’il est transmis à Kaivalyadhama, et plus particulièrement par Sri TIWARIJI. Nous enseignons donc des pratiques millénaires dans lesquelles le Pranayama occupe une place prépondérante. Nous étudions chaque été avec TIWARIJI la philosophie du Yoga appliquée à la vie à travers ses textes fondamentaux.
J’utilise cependant dans l’approche pédagogique l’apport fondamental de Jacques Thiébault quant à la construction de la posture et la conscience des espaces respiratoires.
Je ne me permets jamais de faire aucun mélange et indique toujours à mes élèves l’origine des pratiques que je leur propose afin de ne pas dénaturer la tradition.
5) Que diriez-vous des apports, spirituels notamment, du yoga sur ses pratiquants ?
Les apports spirituels sont immenses, surtout si l’on comprend bien que la spiritualité est ce qui nous permet d’être plus en relation avec le réel et de mieux affronter les difficultés de la vie.
Pour qu’une véritable transformation se fasse, cela implique :
du côté du pratiquant une répétition sincère et constante de pratiques éprouvées,
que l’enseignant soit lui-même un pratiquant sur le chemin, qu’il ne recherche pas la « nouveauté » dans ses cours, et qu’il ne tombe pas dans le piège de la fascination du travail corporel.
6) Quel regard portez-vous, globalement, sur la pratique du yoga en France et en Occident ? Est-ce toujours un yoga "authentique" ? Cette notion d’authenticité elle-même vous semble-t-elle pertinente ?
Beaucoup d’enseignants cherchent sincèrement à bien faire. La latitude (et même la fierté parfois !) de mélanger les techniques est malheureusement un défaut très français. Cette façon de faire menace la tradition de disparition. Rappelons que tradition ne signifie pas que les choses sont figées. Le fondateur de Kaivalyadhama lui-même a passé toutes les techniques traditionnelles au crible de la recherche scientifique et médicale. Donc, oui, la notion d’authenticité me paraît pertinente.
7) Quel regard portez-vous sur le yoga tel qu’il est pratiqué en Inde ? Quelles images personnelles en avez-vous ?
L’Inde est le berceau du Yoga. C’est là que l’on trouve toutes les racines de cette grande voie. L’Inde étant par ailleurs un grand continent, il est assez compréhensible que les pratiques diffèrent selon les écoles bien que la plupart d’entre elles se réfèrent aux textes séculaires du Yoga.
Il y a aussi aujourd’hui en Inde un phénomène de mode que l’on constate dans les classes moyennes et aisées du pays. Les mêmes qui n’étaient pas intéressés par le Yoga se tournent vers lui maintenant parce que les Occidentaux s’y sont intéressés. On se doute bien que des personnes plus ou moins correctes peuvent aisément profiter de la situation.
8) Sur un autre plan, que diriez-vous de la culture indienne (vaste question) ? Hormis la pratique du yoga, vous sentez-vous proche de la culture indienne ?
Oui, je me sens très proche de la culture indienne. Nous sommes souvent allés en Inde en famille, et je trouve que cette culture nous a beaucoup apportés, à la fois à nous et aussi à nos enfants. Chaque séjour m’a ouvert un pan de compréhension humaine. J’ai été très touchée des valeurs que l’on trouve encore aujourd’hui en Inde dans la culture de nombreuses familles : le respect des anciens, l’acceptation de la différence de l’autre, la dimension sacrée du quotidien, la notion de service, la joie de vivre, le rapport au réel… Beaucoup de belles choses.
9) Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait débuter la pratique du yoga ?
Cela dépend du but que l’on poursuit en voulant faire du yoga. Mais, de toute façon, essayer de sentir la personne avec qui l’on va faire : se servir de son bon sens.
10) Quels sont vos projets "indiens" et "yoguiques" ?
Je vais régulièrement au centre de Lonavla pour assister Sri TIWARI lorsqu’il enseigne dans les séminaires de pranayama. Je dois y retourner à la fin de l’année.
Je viens de traduire en français le livre écrit par le fondateur de Kaivalyadhama en 1930 sur le pranayama. C’est un livre fondamental pour les pratiquants et je souhaitais vraiment que les Français qui ne parlent pas anglais puissent y avoir accès.
J’ai aussi participé à l’édition du livre « Swami Siddheswaranada et son temps », livre de documents extraordinaires collectés par Mira, une disciple qui a maintenant 87 ans.
C’est ce genre de projets qui m’animent. Je pense donc maintenant à une nouvelle traduction, toujours dans le but de faire circuler des informations passionnantes.
Mon enseignement reste large, mais je me passionne pour l’enseignement du placement du corps dans les postures, et par la pédagogie du pranayama.